Les défis auxquels notre société mondiale est confrontée sont complexes et à multiples facettes. La lutte contre le changement climatique ne peut être complète sans tenir compte de la pollution planétaire, en particulier de la pollution plastique. Il est possible de parvenir à une solution, mais il faut, pour cela, prendre ses responsabilités et accepter de passer à l’action. En tant que collectif, il nous revient de nous regarder dans le miroir et prendre la décision : « Soyons responsables ». Le gouvernement tunisien, en collaboration avec Marine Litter Med, travaille à un changement systématique qui favorise la consommation et la production durables grâce à sa récente interdiction des sacs en plastique à usage unique.
L’Accord de Paris ne peut être respecté sans s’attaquer à la pollution plastique. Des gaz à effet de serre sont émis à chaque étape du cycle de vie du plastique : depuis l’extraction et le transport des combustibles fossiles jusqu’à la pollution de l’environnement, en passant par le raffinage et la production. MedWaves relève ce défi mondial urgent et s’attache au niveau régional à soutenir des solutions réelles, avec des personnes réelles, en faisant progresser la consommation et la production durables (CPD).
Les Tunisiens ont vécu les réalités de la pollution plastique. Les plages dorées, le soleil et la richesse culturelle sont autant d’attraits touristiques depuis des décennies. Cependant, sous la surface, la pollution plastique étouffe les écosystèmes naturels. Chaque année, les Tunisiens utilisent 4,2 milliards de sacs en plastique et produisent 20 000 tonnes de plastique par an. En juin 2022, 21 plages ont été jugées impropres à la baignade par le ministère tunisien de la Santé.
Pour relever les défis de la pollution plastique, il faut une transformation systématique ; l’abandon des chaînes d’approvisionnement linéaires génératrices de déchets et le développement d’économies circulaires favorables à la CPD. MedWaves, par le biais de la deuxième phase du programme Marine Litter Med, financé par l’UE et coordonné par le PNUE/PAM, a fourni une assistance directe au ministère de l’Environnement pour réduire la pollution plastique par le biais d’une interdiction nationale[1] des sacs en plastique entrée en vigueur en janvier 2021, associée aux règlements nécessaires à une mise en œuvre efficace.
La transformation systématique nécessite une approche à plusieurs niveaux pour favoriser le changement. Marine Litter Med a travaillé en deux phases de programmation pour lancer ce niveau de changement en Tunisie. S’appuyant sur l’expertise acquise lors de la rédaction des Guidelines to Tackle Single-Use Plastic Bags in the Mediterranean Region, l’équipe consultative a mis en place un comité de pilotage réunissant les secteurs privé et public.
Le chef de projet Pedro Fernández déclare : « Pour nous, il s’agissait d’établir une relation de confiance avec le ministère de l’Environnement. » Ces engagements ont favorisé l’apparition d’un esprit de collaboration et de soutien pour la préparation d’un cadre juridique et technique en vue de l’interdiction de la production, de l’importation, de la distribution et de la possession de sacs en plastique.
Cet engagement était essentiel pour concevoir un système doté des structures techniques, institutionnelles et législatives adéquates pour soutenir le passage à la CPD. Parmi les sujets de discussion, on a débattu de ce qui pourrait remplacer les sacs en plastique interdits. Cela ouvre la voie à l’engagement de l’industrie en faveur du changement, plutôt que d’aliéner les producteurs. MedWaves a fixé des critères clairs pour la réforme des normes industrielles concernant les sacs en plastique réutilisables. Les résultats ont été présentés lors d’un événement organisé pour l’occasion à Tunis, le 3 octobre 2019 (Télécharger le rapport des activités et l’événement national).
Le véritable succès ne saurait reposer sur les seules épaules de la politique. Il faut donner aux gens les moyens de savoir qu’ils ont le choix et quel sera l’impact de leurs décisions. MedWaves et la ministre tunisienne de l’Environnement, Leila Chikhaoui Mahdhaoui, ont lancé la campagne de communication « Soyons responsables » en mai 2022, pour encourager les comportements respectueux de l’environnement.
Clé du succès de l’interdiction, Marine Litter Med a apporté son soutien à la diffusion de matériel éducatif et de sensibilisation par le biais de la campagne « Soyons responsables ». Cette campagne visait à la fois les consommateurs et les propriétaires de magasins, dans le but d’encourager les choix responsables en favorisant les sacs réutilisables. Pour mener à bien ce travail, cinq organisations tunisiennes se sont jointes au mouvement : AJEM, ASCOB-SYRTIS, Association horizons arts et culture , Fondation IFM et La nouvelle Génération pour le développement et l’environnement . Ces groupes ont mobilisé des représentants à Tunis, Tabarka, Sfax, Gabès, Djerba et Tataouine afin d’entrer directement en contact avec les gens, sur les marchés et dans les magasins, en partageant les supports de communication et en expliquant les dispositions du décret.
L’une des activités importantes menées par les efforts collectifs des organisations a été une enquête auprès des consommateurs et des propriétaires de magasins sur l’utilisation des sacs en plastique et la sensibilisation à l’interdiction. Dotées d’un incroyable enthousiasme, les organisations ont également mis en place des concours vidéo et des tables rondes pour faciliter davantage la sensibilisation. Par conséquent, le soutien continu à l’interdiction peut être adapté de manière stratégique. Il reste encore du travail à faire pour continuer à galvaniser les communautés locales afin qu’elles comprennent et respectent l’interdiction, puisque jusqu’à 70 % des personnes interrogées ne sont toujours pas au courant de l’interdiction des sacs en plastique à usage unique.
« Cette enquête est très importante pour le ministère, car elle nous renseigne sur la perception des consommateurs et des commerces. Cela nous permet de prendre des mesures en conséquence. »
Leila Chikhaoui Mahdhaoui, ministre de l’Environnement, Tunisie.
Bien que de grands progrès aient été accomplis en matière d’interdiction et de sensibilisation, il reste beaucoup à faire pour parvenir à une transformation systématique. Il est important de commencer, selon Pedro Fernández, « en se concentrant sur les petites choses qui peuvent vraiment faire la différence et, surtout, en étant cohérent dans la réduction de la pollution ». À l’avenir, il faudra poursuivre la communication de proximité, la mise en place de contrôles pour assurer le respect de l’interdiction et incuber des activités économiques circulaires au sein des PME entreprises tunisiennes.
Marine Litter Med fait partie d’une famille de programmes et d’initiatives qui soutiennent le développement durable dans la région méditerranéenne. Les progrès intentionnels réalisés grâce au travail de Marine Litter Med peuvent être partagés avec d’autres partenaires, tels que le programme SwitchMed financé par l’UE, afin de continuer à fournir des ressources et un soutien appropriés. Selon Pedro Fernández, « c’est une manière de mobiliser le soutien des partenaires pour les entrepreneurs, comme le financement de démarrage. Il est clair que, dans le cadre du programme SwitchMed financé par l’UE, nous avons de nombreux entrepreneurs qui travaillent dans le domaine des déchets et, plus particulièrement, dans celui des déchets plastiques et du recyclage.
MedWaves, en tant que Centre d’activités régionales pour la CPD du PNUE/PAM agissant dans le cadre de la Convention de Barcelone, est en contact permanent avec les autorités publiques nationales, en particulier avec les ministères de l’Environnement. Comme l’a déclaré Magali Outters, chef d’équipe des politiques : « Nous avons établi des relations à long terme, nous répondons aux besoins politiques et soutenons l’échange de connaissances entre les pays qui s’efforcent de relever des défis similaires. »
Cette année, une autre étape est franchie pour stimuler et maintenir des environnements propices à l’élaboration de politiques grâce au lancement du Switchers Policy Hub, un espace pour les décideurs politiques travaillant pour la transition vers une économie verte et circulaire en Méditerranée.
« En ce qui concerne le défi de la pollution plastique et des déchets marins, notre priorité est de soutenir les décideurs politiques dans la conception de réglementations visant à réduire les plastiques à usage unique et leur impact sur l’environnement et la santé. Pour ce faire, une première étape importante consiste à appréhender la situation de la production et de la consommation de SUP au niveau national, par exemple ce qui est importé, exporté, produit et consommé localement » ajoute Magali Outters. Tout ceci permettra de prendre les meilleures décisions en termes d’options politiques et d’impacts socioéconomiques associés. Et Magali Outters de conclure : « Il est également important de tenir compte du secteur informel, qui est une réalité dans de nombreux pays avec lesquels nous travaillons. Il est nécessaire d’assurer une transition équitable vers l’économie circulaire ».
[1] Décret gouvernemental n° 2020-32 du 16 janvier 2020 fixant les types de sacs en plastique dont la production, l’importation, la distribution et la détention sont interdites sur le marché intérieur.